L’intégration fiscale constitue un dispositif clé d’optimisation de la fiscalité des groupes de sociétés en France, permettant, sous réserve du strict respect de conditions d’éligibilité précises, de consolider les résultats fiscaux et de gérer efficacement les pertes et les profits au sein d’un même périmètre. Régulièrement recherchée par les dirigeants d’entreprises et les investisseurs, cette option fiscale peut s’avérer déterminante pour la maîtrise de la charge d’impôt sur les sociétés, notamment dans le contexte d’un groupe composé de filiales détenues à au moins 95% par une société mère établie en France, tel que le prévoit l’article 223 A du CGI.À l’approche de la campagne déclarative 2025, il est essentiel de rappeler que le régime de l’intégration fiscale obéit à des règles d’éligibilité qui connaissent chaque année de subtiles évolutions législatives et jurisprudentielles. Par exemple, une société mère souhaitant constituer un groupe intégré doit déposer sa demande d’option avant la date limite de dépôt de la liasse fiscale (formulaire n°2058-A du site des impôts), soit généralement au plus tard le 18 mai de l’année suivant la clôture des comptes pour les exercices clos au 31 décembre. L’option, exercée au moyen du formulaire n°2065, engage l’ensemble des sociétés membres du groupe pour une durée irrévocable de cinq ans, période durant laquelle le respect continu des conditions de détention et d’assujettissement à l’impôt sur les sociétés s’impose.Prenons un exemple illustratif : une société holding A détient 98% du capital de trois filiales opérationnelles B, C et D, toutes soumises à l’IS et résidentes fiscales françaises. En remplissant les conditions de détention directe et indirecte exigées par la réglementation et en déposant dans les délais les formulaires requis, le groupe pourra centraliser le calcul du résultat fiscal, permettant ainsi la compensation des éventuelles pertes de B par les profits de D. Toutefois, une erreur dans la composition du périmètre, une omission déclarative ou un manquement aux exigences documentaires pourrait entraîner la remise en cause du dispositif, voire des rappels d’imposition.Dans cet environnement fiscal en perpétuelle évolution, il convient de rappeler que le présent article, rédigé par le cabinet NBE Avocats, a pour unique objet de fournir un éclairage général sur les conditions d’éligibilité au régime d’intégration fiscale, à jour de la législation et de la jurisprudence applicable en 2025, sans constituer un conseil personnalisé. Pour toute situation spécifique, l’équipe de NBE Avocats se tient à votre disposition afin d’envisager, lors d’un rendez-vous dédié, une analyse approfondie adaptée à vos enjeux et à la structuration patrimoniale ou opérationnelle de votre groupe. Pour contacter le cabinet, rendez-vous sur la page Contact.
Comprendre le mécanisme de l’intégration fiscale
L’intégration fiscale occupe une place prépondérante dans le paysage de la fiscalité des groupes de sociétés en France. Cette option, consacrée par l’article 223 A du code général des impôts (CGI), permet à un ensemble de sociétés de traiter leur imposition sur les sociétés (IS) de manière consolidée, comme si le groupe n’était qu’une seule et unique entité fiscale. Pour des précisions sur la fiscalité des entreprises, consultez également notre dossier dédié au droit fiscal.
Modalités pratiques de mise en œuvre
Le principe fondamental du régime réside dans la possibilité, pour une société mère et ses filiales détenues à hauteur d’au moins 95%, de former un groupe fiscalement intégré. La société mère absorbe ainsi les bénéfices et les déficits fiscaux de ses filiales, ce qui permet une optimisation globale de la charge d’IS.L’option doit être formulée avec rigueur : - Dépôt de l’option dans les délais impartis, généralement lors de la première déclaration fiscale suivant la clôture du premier exercice d’intégration (formulaire n°2065, disponible sur le site officiel de Service Public). - Communication du périmètre exact du groupe fiscal, qui inclut l’intégralité des filiales remplissant les conditions requises.
Illustration chiffrée
Imaginons un groupe constitué comme suit au 31 décembre 2024 : - La société mère, SAS Alpha, détient 100% de SARL Beta (profit imposable : 300 000 €), 97% de SA Gamma (perte fiscale : –200 000 €), et 95% de SAS Delta (profit imposable : 150 000 €). - Sans intégration fiscale, chaque société aurait sa propre base d’imposition et paierait l’impôt sur ses seuls résultats. - Avec l’intégration, le résultat fiscal du groupe est : 300 000 € (Beta) – 200 000 € (Gamma) + 150 000 € (Delta) = 250 000 € imposables au niveau du groupe, permettant de neutraliser la charge d’IS attachée à la perte de Gamma.Ce dispositif présente par conséquent une puissance de levier sur le cash-flow fiscal des groupes, particulièrement lorsqu’ils connaissent des cycles de profits et de pertes différenciés dans le temps ou entre sociétés.Pour en savoir plus sur les interactions de l’intégration fiscale avec le numérique, explorez notre section dédiée au Droit NTIC.
Conditions d’éligibilité au dispositif d’intégration fiscale
La mise en œuvre de l’intégration fiscale est subordonnée au respect de conditions strictement encadrées par la législation et régulièrement contrôlées par l’administration fiscale.
Critères relatifs à la société mère
- Résidence fiscale en France : la société mère doit être soumise à l’impôt sur les sociétés en France.
- Détention minimale : elle doit détenir directement ou indirectement au moins 95% du capital et des droits de vote des filiales intégrées.
- Non-appartenance à un autre groupe fiscal intégré : une société mère ne peut appartenir simultanément à deux groupes d’intégration distincts.
Pour approfondir ces aspects, vous pouvez consulter l’article de doctrine fiscale sur l’intégration.
Exigences requises des filiales
- Sous réserve d’assujettissement à l’IS : toutes les sociétés parties prenantes doivent relever du régime de l’impôt sur les sociétés de plein droit ou sur option.
- Absence d’exonération totale : il est exclu d’intégrer des sociétés bénéficiant d’une exonération totale et permanente d’IS.
- Pas de filiale étrangère : seules les sociétés résidentes fiscales françaises et établies selon une structure de droit français peuvent intégrer le groupe, sous réserve de certaines exceptions prévues pour les sociétés européennes dans le cadre de l’intégration horizontale (hors champ de cet article informatif). Pour une vision comparative des dispositifs de consolidation européens, consultez le document Fiscal Consolidation across the European Union de la Commission européenne.
Précision sur la détention du capital
La détention de 95% doit être continue : toute cession temporaire rendant le seuil inopérant, même brièvement, entraîne la sortie de la filiale du périmètre d’intégration.
Exemple pratique de calcul du seuil
Supposons que la Holding France SAS détient : - 87% directement de la filiale X, - 8,5% par l’intermédiaire de la filiale Y, elle-même détenue à 100%, Soit une détention cumulée de 95,5% de X, seuil atteint et permettant le rattachement de X au groupe.
Procédure d’option et obligations déclaratives
Déclaration de l’option et durée d’engagement
L’option pour l’intégration fiscale s’effectue par la société mère en déposant une déclaration (formulaire n°2070 et annexe n°2058-A) dans les délais légaux. Cette option est irrévocable pendant cinq exercices, ce qui implique une anticipation sérieuse des conséquences fiscales sur la période considérée.
- Pour un exercice clos au 31 décembre 2024, la date limite de dépôt de la déclaration d’option est en principe le 18 mai 2025 (date prévisionnelle de dépôt des liasses fiscales pour 2025).
- Le formulaire n°2065 relatif à la déclaration de résultats du groupe remplacera alors la liasse individuelle de la société mère sur la période d’intégration.
Pour consulter les obligations relatives à la déclaration de résultats, consultez la page dédiée du service public.
Documents à produire
La société mère doit : - Produire une liasse fiscale consolidée pour le groupe ; - Conserver et, en cas de contrôle, être en mesure de justifier de l’intégralité des conventions et flux intra-groupes ; - Tenir une documentation détaillée sur l’origine et la répartition des résultats et déficits dans le groupe pour chaque exercice d’application.En cas d’entrée de nouvelles filiales au sein du groupe, ou de sortie de certaines sociétés, des déclarations spécifiques doivent être déposées dans les délais légaux (ex : formulaire n°2082 pour l’intégration de nouvelles sociétés).
Effets sur la détermination du résultat fiscal du groupe
Compensation des résultats
La fonction essentielle de l’intégration fiscale réside dans la compensation immédiate des bénéfices et des pertes fiscales, générant un résultat imposable unique pour l’ensemble du groupe.
- La société mère additionne les résultats fiscaux de toutes les sociétés membres, profitant ainsi des déficits fiscaux générés par certaines filiales pour neutraliser les profits réalisés par d’autres.
- Les neutralisations de produits et charges intra-groupe sont également exigées (exemple : dividendes remontés ou opérations de gestion interne).
Découvrez l’importance de la neutralisation des flux internes auprès d’experts sur le site de la Revue Fiduciaire.
Exemple chiffré de neutralisation
Si la filiale B verse un dividende à la mère A : - Hors intégration, A intégrerait le dividende dans son résultat, déductible sous déduction du régime mère-fille à 95%, mais avec quote-part de frais de 5%, - Sous intégration, le dividende remonté par B à A est totalement neutralisé, évitant la double imposition.
Sort des déficits fiscaux
Les déficits antérieurs à l’entrée dans le régime d’intégration demeurent individualisés à la société qui les a générés (sauf limitation en cas de changement de contrôle – art. 209, IX du CGI).
- Durant l’intégration, seuls les déficits générés pendant la période d’intégration sont mutualisés au niveau du groupe et imputables sur le résultat consolidé.
Un suivi précis des déficits est donc impératif afin d’éviter toute contestation en cas de contrôle, un point souvent rappelé dans la jurisprudence française fiscale.
Avantages principaux du régime d’intégration fiscale
Optimisation et flexibilisation de la fiscalité de groupe
Le régime d’intégration fiscale procure des avantages variés :
- Optimisation des flux fiscaux : la consolidation des résultats permet de réduire mécaniquement la charge d’impôt en neutralisant les effets de résultats contrastés au sein d’un même groupe.
- Fluidité du cash-flow intragroupe : la compensation rend la gestion de trésorerie plus souple, en limitant l’impact fiscal des pertes de lancement ou de croissance de certaines filiales.
- Neutralisation des opérations internes : élimination des doubles impositions sur dividendes ou sur résultats issus de réorganisations internes (fusions, apports).
Gestion facilitée des réorganisations et restructurations
L’intégration permet une approche souple de la structuration du groupe, notamment à l’occasion :
- De fusions, apports partiels d’actifs ou attributions de titres ;
- De la création de holdings de contrôle ;
- De transmissions intragroupe d’actifs ou d’activités.
Pour suivre les dernières actualités sur la fiscalité des entreprises, vous pouvez consulter l’actualité fiscale du portail Vie Publique.
Atténuation de l’effet des dispositifs anti-abus
La centralisation des résultats permet, sous réserve de vigilance sur les flux, d’anticiper l’application de certaines clauses anti-abus (limitation de déductions d’intérêts, contrôle des prix de transfert).
Points de vigilance, risques de remise en cause et jurisprudence récente
Le régime d’intégration fiscale suppose un respect scrupuleux des conditions et une gestion documentaire rigoureuse. Plusieurs risques sont à prendre en considération.
Remise en cause rétroactive et conséquences
Toute rupture des conditions d’éligibilité (perte du seuil de détention, transfert de siège, non-respect du formalisme déclaratif) peut conduire à :
- Une exclusion rétroactive de la filiale et la reconstitution d’impôt au niveau de chaque société,
- L’application de majorations et de pénalités en cas de manquement déclaratif.
Pour des conseils sur la gestion du contentieux, vous pouvez consulter la section Droit Fiscal de notre site.
Suivi des flux intra-groupe
L’administration fiscale porte une attention particulière aux flux financiers et opérationnels internes :
- Contrôle de la réalité des opérations (dividendes, conventions de trésorerie, rémunérations de prestations) ;
- Vérification de la neutralisation effective dans la liasse fiscale consolidée.
Des erreurs de traitement ou des opérations considérées comme abusives peuvent se traduire par une réintégration de produits ou une limitation de certains avantages, comme l’a récemment rappelé le Conseil d’État dans plusieurs arrêts de principe (CE, 27 juillet 2022, n°445392).
Evolutions législatives et sécurisation du dispositif
Le cadre du régime est en constante évolution, qu’il s’agisse de la doctrine administrative, de la jurisprudence ou du renforcement des dispositifs anti-évasion fiscale européens. À ce titre, il est essentiel de procéder à :
- Une revue annuelle du périmètre du groupe,
- Une vérification des seuils de détention effectifs au 31 décembre (avec attention particulière, par exemple, aux pactes d’actionnaires ou aux émissions de titres à droits de vote double),
- Une conservation exhaustive de l’ensemble des conventions intragroupes et de la documentation afférente pour chaque exercice.
Déclaration, documents et calendrier : le parcours déclaratif du groupe fiscal intégré
Les grandes étapes du processus déclaratif
L’intégration fiscale s’accompagne d’un parcours déclaratif spécifique articulé autour des formulaires suivants :
- Formulaire n°2070 (demande d’option pour le régime d’intégration) : à réaliser avant la date limite de dépôt de la première liasse fiscale consolidée ;
- Formulaire n°2065 (liasse de résultats IS du groupe) : à déposer pour chaque exercice clos, en cohérence avec les états individuels ;
- Annexe n°2058-A (détail des sociétés membres et des résultats consolidés) ;
- Formulaires n°2082 et suivants (pour chaque changement de périmètre) en cas d’entrée ou de sortie de filiales.
Pour accéder à la documentation relative à ces formulaires, rendez-vous sur la base documentaire impôts.gouv.fr.
Respect du calendrier fiscal annuel
Pour les groupes clos au 31 décembre, la date limite de dépôt de la liasse fiscale est en général fixée au 18 mai de l’année suivante. À titre d’exemple, pour la clôture 2024, la date butoir de dépôt est prévue pour le 18 mai 2025.En cas de retard ou d’erreur, le groupe s’expose à des pénalités de dépôt tardif, représentant généralement : - 10% de majoration sur l’impôt, - Plafonné à 40% en cas de manquement délibéré, - Et jusqu’à 80% en cas de manœuvres frauduleuses.Pour tout complément relatif aux sanctions fiscales, reportez-vous à la page dédiée du Service Public.Il est donc impératif d’anticiper la constitution du dossier d’intégration et de tenir à jour, tout au long de l’exercice, la documentation relative aux mouvements de titres, à la structure actionnariale et aux conventions intragroupe.
Cas particuliers et approfondissements sur l’intégration fiscale
Prise en compte des sociétés intermédiaires
Il est possible d’inclure dans le périmètre d’intégration des filiales indirectes détenues via une ou plusieurs sociétés interposées, à condition que l’ensemble des sociétés de la chaîne répondent à la condition de détention à 95% et soient elles-mêmes éligibles au régime.Exemple : La société mère A détient 98% de B, qui elle-même détient 96% de C. La détention globale de A sur C étant de 98% x 96% = 94,08%. Dans ce cas, le seuil n’est pas atteint : il est donc nécessaire que la détention cumulée soit égale ou supérieure à 95%.Pour consulter les difficultés d’application des seuils, la référence au BOFiP-Impôts peut se révéler utile.
Opérations sur capital et changements de périmètre
Tout changement concernant la structure du capital (rachat d’actions, cession intra-groupe, augmentation de capital, attribution de nouveaux droits de vote) doit faire l’objet d’une analyse au regard de la continuité du seuil de détention requis.De même, en cas de cession d’une filiale en cours d’année, des effets de sortie anticipée doivent être anticipés et déclarés, sous peine de remise en cause du bénéfice du régime pour la filiale concernée.
Incidence sur les dispositifs fiscaux spécifiques
Certains régimes fiscaux particuliers interagissent avec le régime d’intégration fiscale : - L’application du régime mère-fille (articles 145 et 216 du CGI) ou du régime de sociétés de personnes (article 238 bis K), - L’interprétation des conventions fiscales en cas d’actionnariat international du groupe.La compatibilité ou l’exclusion de certains dispositifs fiscaux doit être appréciée au cas par cas, notamment dans les groupes comprenant des sociétés relevant de régimes préférentiels ou bénéficiant de crédits d’impôts particuliers.Pour en savoir plus sur les crédits d’impôt et régimes particuliers, découvrez la documentation officielle sur impots.gouv.fr.
Synthèse des bonnes pratiques pour sécuriser l’intégration fiscale
Adopter le régime d’intégration fiscale suppose un suivi rigoureux de la vie du groupe, tant sur le plan juridique que déclaratif. Plusieurs recommandations s’imposent pour réduire les risques de requalification ou de contentieux :
- Veiller à la stricte conformité des participations sur tout l’exercice,
- Consolider régulièrement l’ensemble des conventions intra-groupe (conventions de trésorerie, management fees, refacturations internes, etc.),
- Anticiper toute restructuration (fusion, scission, cession) au prisme de l’impact sur la composition du groupe fiscal,
- Documenter toute opération remarquable (apport, augmentation de capital, droits de vote différenciés),
- Procéder à une revue annuelle de la situation juridique, fiscale et documentaire du groupe avant chaque campagne déclarative.
Cela implique, en pratique, la mobilisation de ressources internes dédiées (DAF, juristes, consolidation) et, le cas échéant, le recours à une expertise externe pour apporter agilité, conformité et analyse de la doctrine et des évolutions jurisprudentielles.Pour obtenir une vision globale des ressources disponibles, n’hésitez pas à consulter notre page d’accueil.
Pour rappel, le contenu présenté dans cet article a pour vocation exclusive d’informer sur le régime de l’intégration fiscale selon la législation française en vigueur au 1er janvier 2025. Il n’a pas valeur de consultation personnalisée. Pour toute étude de cas particulier, la prise de rendez-vous avec le cabinet NBE Avocats demeure indispensable afin de bénéficier d’une analyse sur-mesure adaptée à la situation particulière de votre groupe.

 
  
 




