La résidence fiscale détermine le lieu d’imposition de vos revenus mondiaux et constitue un enjeu central pour toute personne ou entreprise envisageant un changement de pays de résidence. Comprendre les critères qui fixent la résidence fiscale, les démarches administratives à accomplir et les effets juridiques, fiscaux et patrimoniaux d’un transfert de domicile fiscal est essentiel pour sécuriser sa situation, limiter les risques de double imposition et rester conforme à la législation en vigueur. En France, la résidence fiscale repose principalement sur une analyse factuelle de votre situation personnelle et professionnelle, fondée notamment sur les articles 4 B du Code général des impôts et les conventions fiscales internationales conclues par la France. Dès lors, un déménagement à l’étranger, qu’il s’agisse d’une mutation professionnelle, d’une prise de retraite ou d’un projet d’expatriation, implique une série de formalités précises : déclaration des revenus mondiaux (formulaire 2042 lors de la dernière déclaration en France), signalement du départ via le formulaire 2042-NR, déclarations spécifiques du patrimoine éventuel (formulaire 2074, 3916 pour les comptes à l’étranger, 2047 pour les revenus perçus hors de France), respect de la date limite de dépôt du mois de mai/juin selon le calendrier fiscal en cours, et anticipation des conséquences sur l’imposition des plus-values, la fiscalité immobilière ou la gestion de participations non cotées. À titre d’exemple, un particulier domicilié fiscalement en France et partant s’installer en Espagne devra examiner non seulement les critères de son foyer (centre des intérêts vitaux), du centre des intérêts économiques et du séjour principal, mais aussi les conséquences concrètes du transfert : application du dispositif d’ « Exit Tax » pour les patrimoines importants (lorsque la valeur des participations dépasse 800 000 € ou représente au moins 50 % des droits sociaux d’une société), imposition potentielle des revenus perçus post-départ, obligations déclaratives transfrontalières, ainsi qu’un éventuel risque de requalification par l’administration fiscale française à la faveur d’un contrôle ultérieur. Il est important de souligner que ces informations, bien qu’actualisées à la lumière de la réglementation fiscale française et internationale en vigueur en 2024, ne constituent pas un conseil juridique ou fiscal personnalisé. Chaque situation étant unique et pouvant soulever des problématiques complexes d’interprétation, nous invitons tout particulier, chef d’entreprise ou investisseur concerné à solliciter un rendez-vous auprès du cabinet NBE Avocats afin de bénéficier d’un accompagnement sur-mesure et sécurisé, adapté à sa situation patrimoniale et à ses objectifs.
Définition de la résidence fiscale : comprendre les notions-clés
La notion de résidence fiscale est centrale dans la détermination du régime d’imposition applicable à un contribuable, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. Elle permet de définir, selon différents critères, le pays autorisé à taxer l’ensemble des revenus mondiaux d’un individu ou d’une entreprise.
Le cadre réglementaire en France
L’article 4 B du Code général des impôts (CGI) énumère les critères permettant de localiser la résidence fiscale en France d’une personne physique :
- le foyer (« lieu où le contribuable ou sa famille habite normalement »)
- le lieu de séjour principal (si la personne habite plus de 183 jours en France)
- l’exercice d’une activité professionnelle principale en France
- le centre des intérêts économiques (lieu où le contribuable tire principalement ses revenus ou gère ses affaires)
Pour des informations complémentaires sur l’application de ces critères dans le secteur du numérique et des nouvelles technologies, vous pouvez consulter notre page sur le droit NTIC.
Les conventions fiscales internationales : pour éviter la double imposition
La France a signé de nombreuses conventions fiscales bilatérales afin d’éviter la double imposition. Celles-ci s’inspirent le plus souvent du modèle OCDE et déterminent, dans leur article 4, une grille de critères hiérarchisés pour déterminer l’état de résidence fiscale d’un contribuable :
- lieu du foyer d’habitation permanent
- centre des intérêts vitaux (liens personnels et économiques les plus étroits)
- lieu de séjour habituel
- nationalité
- procédure d’accord amiable entre administrations fiscales
Dans l’hypothèse d’un conflit de résidence entre la France et un autre pays, ces conventions priment sur le droit interne..
Illustration pratique
Un particulier marié, domicilié en France, disposant d’un logement secondaire en Italie, y passant 150 jours par an, mais ayant en France ses centres d’affaires, ses comptes bancaires et sa famille, sera considéré comme résident fiscal français, à la lumière des critères conventionnels.
Critères détaillés de la domiciliation fiscale des personnes physiques
Le foyer et le séjour principal
Le foyer s’entend du lieu où la personne (célibataire ou famille) habite de manière permanente. Il peut exister dans plusieurs pays, mais seul celui présentant une stabilité sera retenu. Le séjour principal correspond à un temps de présence supérieur à 183 jours sur l’année civile, en France du 1er janvier au 31 décembre. Il faut ici noter que des séjours brefs mais répétés peuvent dans certains cas être jugés équivalents à une implantation substantielle.
L’activité professionnelle et le centre des intérêts économiques
L’activité professionnelle doit présenter un caractère principal, c’est-à-dire occuper la majeure partie du temps ou générer la majorité des revenus. Cette notion est appréciée même en présence d’une société étrangère, dès lors que la gestion réelle et le contrôle s’opère depuis la France. Le centre des intérêts économiques, pour sa part, ne suppose pas toujours une activité salariée : il suffit que le foyer investisse, gère ses placements financiers, dispose de biens immobiliers, ou centralise ses décisions économiques en France.
La résidence fiscale des personnes morales : sociétés et autres personnes morales.
Le CGI détermine la résidence fiscale d’une société selon deux critères :
- lieu du siège social ou statutaire
- lieu de direction effective (centre des décisions stratégiques, généralement celui du dirigeant principal ou du conseil d’administration)
Une société immatriculée à l’étranger mais dont la direction effective est exercée depuis la France pourra être considérée comme résidente fiscale française, et soumise à l’impôt sur les sociétés en France sur la totalité de ses résultats bien qu’immatriculée à l’étranger.
Cas pratique
Un entrepreneur français crée une société à Malte mais continue de piloter les opérations commerciales, bancaires et de management depuis la France. En cas de contrôle, l’administration fiscale pourra requalifier cette société comme fiscalement domiciliée en France, faisant ainsi tomber l’intégralité des bénéfices dans le champ de l’impôt français.
Procédures et obligations déclaratives lors d’un changement de résidence fiscale
Les étapes-clés d’un départ de France
Quitter la résidence fiscale française nécessite d’observer plusieurs formalités :
- Signaler le départ sur la déclaration annuelle (formulaire 2042-NR), en cochant la case « départ à l’étranger » et en mentionnant la date effective.
- Déclarer les revenus mondiaux perçus jusqu’à la date de départ, sur la déclaration de revenus habituelle (formulaire 2042).
- Signaler les comptes bancaires ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger via le formulaire 3916.
- Déclarer les revenus d’épargne, valeurs mobilières ou revenus fonciers étrangers par l’intermédiaire du formulaire 2047.
- Effectuer, le cas échéant, la déclaration des revenus du capital patrimoine (formulaire 2074 pour les plus-values de cessions),
- Remplir les formulaires exit tax 2074- ETD si l’on détient des participations substantielles (>800 000 €) ou des droits sociaux importants, et constituer des garantie selon l’Etat de transfert de résidence fiscale.
Les dates limites de dépôt varient selon le calendrier fiscal officiel, généralement fixées entre mi-mai et début juin de l’année N+1 sauf pour la constitution de garantie qui dont la demande doit être déposée au plus tard 90 jours avant le départ selon l’Etat de transfert de la résidence fiscale comme Dubaï.
Les conséquences patrimoniales et fiscales : illustration
Prenons l’exemple d’un chef d’entreprise quittant la France pour s’installer au Portugal le 15 mars 2024 :
- il devra déclarer en mai 2025 ses revenus mondiaux perçus jusqu’au 15 mars 2024 sur le formulaire 2042,
- compléter pour les semaines restantes de l’année une déclaration étrangère auprès des autorités fiscales portugaises,
- remplir le formulaire 2042-NR pour indiquer le transfert de domicile,
- déclarer tout compte bancaire non français (formulaire 3916),
- s’assurer, en cas de détention d’actions représentant plus de 50 % des droits de vote/capital ou une valorisation supérieure à 800 000 €, de remplir les obligations liées à l’Exit Tax.
L’Exit Tax : fiscalité des plus-values lors d’un transfert de domicile
Le régime de l’Exit Tax, instauré en 2011 et réformé à de nombreuses reprises, vise à éviter la délocalisation d’importants patrimoines mobiliers hors de France.
Champ d’application
L’Exit Tax s’applique en cas de transfert de résidence hors de France :
- pour les contribuables ayant détenu leur domicile fiscal en France pendant au moins 6 des 10 dernières années,
- et détenant directement ou indirectement plus de 50 % des droits dans une société, ou un portefeuille d’actions d’une valeur supérieure à 800 000 € à la date du départ.
Conséquences fiscales et obligations déclaratives
- Les plus-values latentes sur titres sont imposées à l’impôt sur le revenu (12,8 % en 2024, hors prélèvements sociaux) ou soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU), sauf en cas d’application du barème progressif sur option.
- Possibilité d’un sursis d’imposition automatique pour les départs dans l’Espace économique européen (EEE) ou dans un État ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France.
En pratique, l’administration fiscale exige le dépôt du formulaire 2074-ETD (Exit Tax Déclaration), accompagné de la liste détaillée des titres concernés, de leur valeur au jour du départ, et la désignation d’un représentant fiscal en France pour les départs hors UE/EEE.
Exemple
Un investisseur français quittant la France en 2024 pour la Suisse, détenant 60 % des parts d’une PME d’une valeur de 1,2 M€, sera redevable de l’Exit Tax sur la plus-value latente, avec report d’imposition sous condition de non-détention de la société dans des « paradis fiscaux » non coopératifs.
Double résidence fiscale : situations à risque et solutions
Un contribuable peut être considéré comme résident fiscal simultanément dans deux pays, chacun qualifiant la résidence selon ses propres critères.
Typologie des situations à double résidence
- Cumul d’un foyer en France et d’un séjour principal à l’étranger (semaine en France, week-end à l’étranger, etc.)
- Maintien d’intérêts économiques majeurs dans un pays, malgré un départ physique
- Séjour fractionné sur plusieurs territoires (frontaliers, expatriés en mission longue durée, etc.)
Règlement des conflits de résidence fiscale
Les conventions fiscales internationales visent à pallier ces situations en fixant un ordre de priorité pour trancher :
- Foyer d’habitation permanent
- Centre des intérêts vitaux
- Séjour habituel
- Nationalité
- Procédure d’accord amiable
Illustration
Un retraité français installant une résidence secondaire en Espagne, mais continuant à passer plus de 183 jours en France et percevant l’intégralité de sa pension et de ses placements en France, pourra être considéré comme résident fiscal français malgré sa résidence espagnole. En cas de contrôle, la convention finale arbitrera en faveur du pays où il conserve le plus de liens.
Obligations déclaratives complémentaires
Il est impératif de justifier de la résidence fiscale auprès des deux États, généralement via la production d’un certificat de résidence (fourni par l’administration fiscale du pays d’accueil), d’un cerfa 5000, et sa communication à l’administration fiscale française.
Conséquences fiscales d’un transfert de résidence : imposition, patrimoine, transmission
Imposition des revenus en France :
Le transfert de résidence fiscale modifie en profondeur l’assiette imposable des revenus :
- En France, le résident fiscal est imposé sur l’ensemble des revenus mondiaux (principe de l’imposition universelle)
- Le non-résident n’est imposé en France que sur les revenus de source française (immobiliers, salaires versés par une entreprise française, dividendes de sociétés françaises, etc.)
Pour une vue d’ensemble sur la fiscalité applicable aux non-résidents et différents cas d’imposition, contacter le cabinet NBE AVOCAT.
Revenu de source française : taux d’imposition
Les revenus français perçus par un non-résident sont en principe soumis à un taux minimum de 20 % en deçà de 29 373 € (2024), et à 30 % au-delà, sauf si le contribuable peut justifier d’un taux effectif inférieur applicable si tous ses revenus mondiaux étaient pris en compte via l’application du taux moyen sur option.
Imposition des plus-values et fiscalité immobilière
En cas de transfert de domicile fiscal, la cession d’immeubles situés en France par un non-résident continue de relever de la fiscalité française sur les plus-values immobilières (hors exonérations). La France retient en général un taux de 19 % au titre de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux, sous réserve des conventions internationales. Le Guide de l’administration fiscale propose des précisions sur les modalités pratiques.
Les revenus locatifs perçus par un non-résident fiscal français issus d’immeubles situés en France restent également imposables en France.
Transmission et donation
Le transfert de résidence fiscale emporte également des conséquences sur la fiscalité de la transmission. Par exemple, la France continue d’imposer, sous certaines conditions, une donation ou succession d’actifs français effectuée dans les 6 ans suivant un départ (article 750 ter du CGI).
Exemple concret
Un particulier quittant la France en 2022 pour le Canada, puis décédant en 2026, laissera à ses héritiers un bien immobilier situé en France. Ceux-ci seront soumis au barème français des droits de succession, même s’ils ont également la nationalité canadienne. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter la page dédiée aux droits de succession des non-résidents.
Obligations spécifiques liées aux actifs numériques et aux comptes étrangers
Depuis 2019, l’obligation déclarative des comptes bancaires étrangers a été étendue aux comptes ouverts sur des plateformes d’actifs numériques (cryptomonnaies, tokens, etc.).
Obligations déclaratives
- Déclaration des comptes et actifs numériques via le formulaire 3916-bis, pour tout compte ouvert, détenu, utilisé ou clos à l’étranger, sous peine, notamment, de sanction forfaitaire de 1 500 € par compte non déclaré.
- Déclaration des cessions d’actifs numériques sur le formulaire 2086, pour les résidents fiscaux français uniquement.
En cas de transfert de résidence, il convient de vérifier si le pays d’accueil impose également la déclaration de tels actifs, ou la taxation des plus-values, afin d’anticiper l’éventuelle double imposition et éviter toute situation de blocage fiscal. Pour aller plus loin sur la réglementation relative aux cryptomonnaies, le site AMF - Autorité des marchés financiers offre des ressources sur le sujet.
Contentieux et contrôles fiscaux sur la résidence fiscale : vigilance et sécurisation
Les contentieux liés à la résidence fiscale sont de plus en plus fréquents, l’administration fiscale française disposant depuis plusieurs années de moyens renforcés de détection (notamment grâce à l’échange automatique d’informations).
Points d’attention lors d’un contrôle
- Concordance entre la réalité matérielle de la vie du contribuable et les déclarations fiscales (billets d’avion, contrats de travail, scolarité des enfants, factures, mouvements bancaires)
- Justification de la cessation de centre des intérêts économiques en France (contrat de travail, acte de vente d’immeuble, transfert de compte bancaire)
- Date effective du départ et justification par rapports aux critères conventionnels
Illustration d’un redressement
Une famille part vivre hors de France, mais continue de gérer ses investissements depuis la France, conserve plusieurs propriétés locatives, et maintient des enfants dans des établissements scolaires français. Malgré le déménagement matériel, l’administration peut maintenir la résidence fiscale en France et réclamer l’impôt français sur l’ensemble des revenus mondiaux.
Résidence fiscale et spécificités sectorielles
Cas des travailleurs frontaliers
Les frontaliers, qui résident en France et travaillent dans un pays limitrophe, sont soumis à des règles distinctes selon les conventions fiscales applicables (Suisse, Allemagne, Luxembourg, Belgique).Par exemple, un résident français travaillant en Suisse et rentrant quotidiennement à son domicile français verra ses salaires taxés dans le pays de travail, mais bénéficiera d’un crédit d’impôt égal à l’impôt suisse payé, pour éviter la double imposition.
Dirigeants et salariés détachés
Le régime fiscal des salariés détachés repose sur la distinction entre mission temporaire (moins de 183 jours), mission longue (plus de 183 jours), et expatriation, chaque situation générant ses propres obligations déclaratives et risques de double imposition.
Justificatifs à produire pour établir la résidence fiscale
Pour prouver sa résidence fiscale, il convient de conserver et présenter, en cas de contrôle :
- justificatifs de domicile (factures, quittance de loyer, certificat de résidence délivré par l’administration locale)
- contrats de travail ou attestation de non-activité professionnelle en France
- relevés bancaires et avis d’imposition étrangers
- attestations fiscales étrangères (certificate of tax residency, généralement délivré sur demande au centre des impôts du pays d’accueil)
- justificatifs scolaires, médicaux, associatifs prouvant la réalité de la vie hors de France
Pour faciliter vos démarches et obtenir des modèles de certificats, contacter le cabinet NBE AVOCAT.
Les conséquences administratives et patrimoniales d’un mauvais choix ou d’une incertitude sur la résidence fiscale
Une erreur ou une mauvaise anticipation de la résidence fiscale peut entraîner :
- une double imposition des revenus,
- des pénalités et intérêts de retard,
- voire, dans certains cas, un redressement ou des poursuites pour fraude fiscale (amendes, majorations, poursuites pénales).
Pour chaque projet de mobilité internationale, une anticipation minutieuse et l’élaboration d’une stratégie fiscale personnalisée sont primordiales. Il convient de rappeler que l’analyse de la résidence fiscale demeure éminemment factuelle et doit se faire au cas par cas, à la lumière des textes en vigueur et de la réalité de la situation du contribuable. Toute situation complexe mérite l’accompagnement d’un professionnel du droit fiscal pour en sécuriser les conséquences. Pour un accompagnement complet concernant la fiscalité internationale, la structuration patrimoniale ou des conseils en mobilité, découvrez l’expertise du cabinet NBE Avocats et prenez contact avec un professionnel via notre formulaire en ligne.






