Management fees intragroupe : voici les règles fiscales à connaître en 2025. Cet article expose, de manière opérationnelle, le traitement fiscal, TVA et documentaire des refacturations de services intragroupe en France, ainsi que les points d’attention en cas de contrôle.
En bref
- Les “management fees” sont déductibles si les services sont réels, utiles à la société bénéficiaire et facturés à un prix de pleine concurrence, avec une documentation probante.
- Les refacturations intragroupe relèvent du principe OCDE des prix de transfert; la France attend des contrats, clés d’allocation justifiées et écritures comptables traçables.
- TVA: en B2B, la règle générale localise la taxe au lieu du preneur; autoliquidation en France si le prestataire est non établi.
- Retenue à la source: possible sous l’article 182 B CGI pour certaines prestations utilisées en France, mais souvent neutralisée par les conventions fiscales.
- Obligations 2025: liasse IS (2065), documentation prix de transfert (L.13 AA LPF), 2257-SD le cas échéant, CbCR 2258-SD (> 750 M€ CA), avec des échéances distinctes.
Management fees intragroupe : définition et périmètre
Les management fees (frais de gestion/frais de siège) désignent les refacturations de prestations rendues par une entité du groupe (holding, siège, “service company”) à d’autres sociétés liées: direction générale, finance, juridique, RH, IT, marketing, conformité, achats, etc.
En droit fiscal français, leur déductibilité dépend du caractère réel et nécessaire de la charge (CGI art. 39) et du respect du principe de pleine concurrence en matière de prix de transfert (CGI art. 57; OCDE).
Prestations admises et activités d’actionnaire
- Prestations admises: services opérationnels ou de support procurant un avantage économique direct au bénéficiaire (ex.: comptabilité, paie, DSI, assistance fiscale courante, contrôle interne).
- À exclure de la refacturation: activités “d’actionnaire” (tenue des AG du groupe, émissions de titres, pilotage des investissements purement capitalistiques, gouvernance globale), qui bénéficient au propriétaire et non à la filiale. Ces coûts ne doivent pas être imputés aux filiales.
Méthodes de refacturation et clés d’allocation
- Approches usuelles: refacturation au coût majoré (cost plus), partage de coûts (cost sharing), ou prix spécifiques si comparables disponibles.
- Clés d’allocation: adaptées à la nature du service (effectifs pour RH, temps passé/feuilles de temps pour juridique/fiscal, chiffre d’affaires pour marketing groupe, nombre d’utilisateurs pour IT, actifs gérés pour trésorerie).
- Traçabilité: budgets, cost centers, feuilles de temps, descriptifs des livrables, ordres de mission, conventions intragroupe signées.
Conditions de déductibilité à l’IS en France
Fondements légaux et principe de pleine concurrence
- Article 39 CGI: déduction des charges si elles sont exposées dans l’intérêt de l’exploitation, appuyées de justificatifs, et non excessives.
- Article 57 CGI: réintégration des bénéfices indirectement transférés à des entreprises liées si les prix ne sont pas de pleine concurrence.
- États et territoires non coopératifs (ETNC): restrictions et charges potentiellement non déductibles si payées vers un ETNC, sauf preuve renforcée. Références utiles: Code général des impôts sur Legifrance et BOFiP – base officielle.
Preuves attendues par l’administration
- Convention de services intragroupe (objet, périmètre, méthodes, clés d’allocation, mark-up).
- Justificatifs de la réalité: comptes rendus, livrables, tickets IT, feuilles de temps nominatifs, emails de validation, reporting de projets.
- Réciprocité: éviter la double facturation et la duplication avec des prestataires externes.
- Bénéfice: démonstration de l’utilité pour la filiale (gain de temps, économies, conformité, accès à des compétences, etc.).
Prix de transfert et références OCDE
- Alignement avec les Lignes directrices OCDE en matière de prix de transfert: analyse fonctionnelle, sélection de la méthode, tests de comparabilité, documentation Master file/Local file.
- Services à faible valeur ajoutée: l’OCDE propose une approche simplifiée de coût majoré avec documentation allégée. La France n’a pas édicté de “safe harbor” légal de marge; la pratique requiert une justification au cas par cas.
TVA: localisation, autoliquidation et facturation
Localisation B2B
- Règle générale UE: place de taxation au lieu du preneur assujetti (B2B). Voir le guide de la Commission européenne sur le lieu de prestation de services.
- Conséquence: si la filiale française est preneuse et le prestataire est établi hors de France, la filiale autoliquide la TVA française.
Autoliquidation et mentions obligatoires
- Prestataire non établi en France: la facture est hors taxe avec la mention “Autoliquidation – article 283 du CGI” (B2B). Le preneur français déclare la TVA collectée et déductible sur sa CA3, si droit à déduction.
- Prestataire établi en France et preneur français: TVA française facturée au taux applicable (généralement 20%), sauf exonération spécifique inapplicable aux services de management.
- Références: Impots.gouv – TVA CA3.
Exemple TVA
- Une société US facture 500 000 € de management fees à sa filiale française. Facture hors taxe. La filiale autoliquide 20% de TVA, soit 100 000 €, qu’elle déclare simultanément en TVA collectée et TVA déductible, sous réserve de son droit à déduction.
Retenue à la source et autres risques
Article 182 B CGI et conventions fiscales
- Principe: les rémunérations de prestations utilisées ou exécutées en France versées à un non-résident peuvent être soumises à retenue à la source (art. 182 B CGI), sous réserve des conventions fiscales.
- En pratique, la plupart des conventions attribuent l’imposition des bénéfices d’entreprise à l’État de résidence en l’absence d’établissement stable en France, neutralisant la retenue. Vérifier systématiquement la convention applicable et les conditions de forme (certificats de résidence).
- Ressources: Legifrance – CGI, OCDE – Modèle de convention.
Paiements vers ETNC et clauses anti-abus
- Flux vers ETNC: régime défavorable (non-déductibilité présumée, retenues aggravées selon la nature du revenu et textes applicables). Une démonstration renforcée est requise pour la déduction.
- Clauses anti-abus générales: attention aux dispositifs anti-fragmentation, à la substance économique et à la documentation probante, notamment post-BEPS.
Documentation et déclarations 2025
Contenu informatif uniquement. Les obligations varient selon la taille du groupe, le chiffre d’affaires et la structure. Consultez le calendrier officiel sur impots.gouv.fr.
Liasse fiscale IS et pièces usuelles
- Déclaration de résultat IS n° 2065-SD (et annexes) à télédéposer en principe le 2e jour ouvré suivant le 1er mai pour un exercice clos au 31/12. Formulaire: 2065-SD.
- Exemple 2025: clôture au 31/12/2024 → dépôt généralement début mai 2025. Les management fees doivent être correctement comptabilisés (charges externes) et réconciliés avec les conventions intragroupe.
Documentation prix de transfert (LPF L.13 AA et s.)
- Grandes entreprises (seuils de chiffre d’affaires/actif): obligation de tenir à disposition une documentation Master file/Local file détaillée. Base légale: Livre des procédures fiscales (LPF), voir texte du LPF et BOFiP – documentation prix de transfert.
- Déclaration simplifiée des prix de transfert n° 2257-SD pour certaines entreprises: vérifier votre assujettissement et l’échéance sur la fiche officielle 2257-SD.
Déclaration pays par pays (CbCR)
- Groupes > 750 M€ de chiffre d’affaires consolidé: obligation CbCR (BEPS Action 13). En France, dépôt du formulaire n° 2258‑SD dans les 12 mois de la clôture de l’exercice de référence. Fiche: 2258-SD – Déclaration pays par pays.
- Exemple: exercice 2024 clos au 31/12/2024 → 2258‑SD à déposer au plus tard le 31/12/2025.
Contrôle fiscal: points de vigilance et sanctions
Typologie des redressements fréquents
- Absence de réalité des prestations (documentation insuffisante).
- Surfacturation via mark-up inadapté ou clés d’allocation injustifiées.
- Double imputation de coûts (interne + prestataire externe).
- Mauvaise qualification TVA (autoliquidation non opérée, taux erroné).
- Non-respect des obligations déclaratives (2257-SD/2258-SD).
Sanctions et intérêts
- Intérêts de retard, majorations (manquements délibérés, abus de droit), et amendes spécifiques en cas de défaut de documentation prix de transfert (LPF) pouvant s’ajouter aux réintégrations. Références: BOFiP – portail et OCDE – documentation prix de transfert.
- En pratique, une documentation robuste réduit significativement le risque et le quantum des pénalités.
Cas pratiques chiffrés
Cas 1 – Siège français refacturant la filiale française
- Coûts de siège éligibles: 1 000 000 €. Clé RH (effectif) → filiale A: 30% → 300 000 €.
- Mark-up retenu: 5% → management fee facturé: 315 000 € HT. TVA 20%: 63 000 €.
- Déductibilité IS: oui si services réels, utiles et prix arm’s length, documentation à l’appui (contrat, feuilles de temps, calcul des clés). Comptabilisation en charges externes; cohérence avec liasse 2065.
Cas 2 – Société mère étrangère facturant la filiale française
- Facture: 500 000 € hors taxe (prestataire non établi en France).
- TVA: autoliquidation par la filiale française à 20% sur CA3 (collectée et déductible, si droit).
- Retenue à la source: examen de l’art. 182 B CGI et de la convention applicable; le plus souvent, absence de retenue si pas d’établissement stable du prestataire en France et certificat de résidence fourni.
- Prix de transfert: justification du mark-up, des clés, et benefit test.
Erreurs fréquentes et bonnes pratiques
- Erreurs à éviter:
- Refacturer des activités d’actionnaire.
- Oublier la preuve du temps passé et des livrables.
- Utiliser une clé d’allocation unique pour tous les services sans justification.
- Manquer l’autoliquidation TVA sur services reçus d’un prestataire non établi.
- Bonnes pratiques:
- Conclure une convention intragroupe claire et mise à jour chaque année.
- Archiver systématiquement livrables, feuilles de temps, et notes de calcul.
- Tester la marge au regard de comparables et/ou des lignes directrices OCDE.
- Réconcilier charges, écritures et annexes fiscales avant dépôt de la liasse.
- Vérifier les obligations 2257‑SD/2258‑SD sur impots.gouv.fr et le service Droit fiscal de NBE Avocats.
FAQ – Questions fréquentes sur les management fees
Une holding peut-elle refacturer tous ses coûts aux filiales ?
Non. Seuls les coûts correspondant à des services réels et utiles aux filiales sont refacturables. Les dépenses relevant d’activités d’actionnaire (émissions de titres, gouvernance pure, relations investisseurs) ne doivent pas être imputées. Pour les coûts éligibles, il faut définir des clés d’allocation appropriées (effectifs, temps passé, chiffre d’affaires, utilisateurs) et appliquer, le cas échéant, une marge cohérente avec le principe de pleine concurrence. La convention intragroupe et les justificatifs (feuilles de temps, livrables) sont essentiels en cas de contrôle.
Existe-t-il un taux de marge “officiel” pour les services intragroupe ?
Il n’existe pas de taux légal unique en France. Les Lignes directrices OCDE décrivent une approche simplifiée pour les services à faible valeur ajoutée, souvent mise en œuvre via un coût majoré d’une marge modeste, sous conditions documentaires. En pratique, l’administration attend une justification fondée sur des comparables, la nature des services et la création de valeur. L’absence de “safe harbor” légal implique d’étayer la marge choisie dans la documentation prix de transfert (Master file/Local file).
Les management fees transfrontaliers sont-ils soumis à retenue à la source ?
Potentiellement, au titre de l’article 182 B CGI pour des prestations utilisées/exécutées en France au profit d’un non-résident. Toutefois, la plupart des conventions fiscales neutralisent cette retenue en l’absence d’établissement stable du prestataire en France. La conclusion dépend donc de la convention applicable et du respect des formalités (certificat de résidence, clause bénéficiaire effectif, etc.). Une revue préalable du traité et de la qualification du service est recommandée avant paiement.
Comment prouver la réalité des services en cas de contrôle ?
Privilégiez un faisceau de preuves: convention intragroupe détaillée, plan de services, budgets et cost centers, feuilles de temps signées, livrables (rapports, procédures, tickets IT), correspondances, et tableaux de réconciliation entre coûts supportés et montants refacturés. Documentez les clés d’allocation, la méthode de prix de transfert, et le test d’utilité (benefit test). Conservez les documents dans un dossier prix de transfert à jour, aligné sur les attentes du LPF et des Lignes directrices OCDE.
Quelles sont les principales échéances 2025 à surveiller ?
Pour un exercice clos au 31/12/2024, la liasse IS 2065 est en principe à déposer début mai 2025 (2e jour ouvré suivant le 1er mai). La déclaration pays par pays 2258‑SD (si > 750 M€ de CA) est à déposer au plus tard le 31/12/2025. Les autres obligations (2257‑SD, documentation L.13 AA LPF) suivent un calendrier spécifique: consultez les fiches officielles sur impots.gouv.fr et anticipez plusieurs semaines pour rassembler les justificatifs.
À retenir
- Déductibilité: services réels, utiles, non duplicatifs, facturés à pleine concurrence et dûment documentés.
- TVA: B2B au lieu du preneur; autoliquidation en France si prestataire non établi; factures conformes.
- Retenue à la source: analyser l’art. 182 B CGI et la convention fiscale; collecter les certificats de résidence.
- Documentation: convention intragroupe, clés d’allocation, feuilles de temps, Master/Local file (LPF L.13 AA).
- Déclarations: 2065-SD (IS), 2257‑SD si applicable, 2258‑SD pour CbCR; respecter les échéances 2025.
- Contrôle: préparez un dossier probant et alignez la politique de refacturation sur les Lignes OCDE.
Ce contenu est informatif et ne constitue pas un conseil fiscal personnalisé. Pour un audit de vos management fees ou la mise en place d’une politique de refacturation conforme, contactez NBE Avocats via notre site, découvrez notre expertise en droit fiscal et, pour vos problématiques IT/données, notre pôle Droit NTIC. Un échange est possible via notre page Contact.






